J’ai faim

J'ai faim

Une de ces phrases que l’on ne dit pas, hormis nos bout’chou quand ils rentrent de l’école à cent à l’heure où ils seraient près à dévorer tout et n’importe quoi, mais cela dans un scénario dit «normal» ou plus exactement aujourd’hui un scénario dit rêvé et espéré.

Il est des milliers d’autres enfants qui jamais ne vous diront «j’ai faim»

Vous le devinerez dans leur yeux peut être, vous en ferez la déduction à la vue de leurs conditions de vie, mais jamais, même si vous leur posez la question ils ne prononceront cette phrase « j’ai faim»

Ces enfants, comme leurs parents, nous les connaissons, ils sont sur des terres où la misère a pris place depuis si longtemps, que les images qui nous parviennent aussi terribles soient-elle, font parties de notre quotidien et ce constat est le pire qui soit.

Il y a quelques années, dans nos rues, nous pouvions lire cette phrase « j’ai faim» sur de petits cartons, de petits bouts de papiers, posés à terre aux pieds de «quelques marginaux» disions nous.

En peu de temps, ces petits bouts de papiers se sont multipliés et pas un quartier, pas une rue n’y échappe.

Mais plus nombreux, encore, sont ceux qui vivent au quotidien, en silence et en souffrance, cette petite phrase qui n’a l’air de rien, mais qui reflète tout un univers qui ressemble à s’y méprendre à l’enfer alors que nous avons encore les pieds sur terre.

Malgré la connaissance du grand public du mot précarité, la médiatisation de la pauvreté qui grignote un peu plus, chaque jour,, nos terres occidentales, européennes et françaises,« j’ai faim» ne se dit toujours pas .

D’ailleurs, comment peut on le dire dans un monde, où, si longtemps nous avons cru que cela ne pouvait se passer qu’ailleurs, loin de chez nous.

Au delà de cette certitude, stupide, le pire est de vivre cette phrase au quotidien, du matin au levé jusqu’au soir au couché, sachant pertinemment que si cette petite phrase persiste, telle une douleur, le sommeil, lui, ne viendra pas.

Dans un monde où tout se dit, tout se raconte, tout se jette en pâture à la une, cette phrase reste silencieuse comme une maladie honteuse. 

Où peut être, juste parce qu’à la résonance de ces mots, les oreilles témoins ne peuvent réellement en comprendre tout le sens et tout ce qui en découle, car l’humain est ainsi fait qu’il lui faut avoir subi en sa chair les évènements pour pouvoir les ressentir même en mauvais souvenir, alors encore aujourd’hui tous ceux qui vivent, non pas en souvenir, mais en réalité quotidienne cette si petite phrase, restent silencieux, ils ne la prononcent pas, certains plus courageux peut être, plus désespérés sûrement, l’écrivent sur de petits bouts de papiers

Des questions ? Pas de questions ? je m’y attendais…   

extrait: Régine « les petits papiers»