Que fais-tu là étranger ?

Que fais-tu là étranger ?

De tout temps, l’autre, l’inconnu, fut regarder avec méfiance.

Il y a des siècles, toute nouvelle silhouette apparaissant dans la rue principale du village, suscitait méfiance et questionnement. D’ailleurs il n’est point besoin de remonter à des siècles pour cela, il y a encore peu c’était encore le cas et pire cela l’est tout autant aujourd’hui.

Le constat serait-il sans appel, le genre humain irait-il de paire avec la peur de l’inconnu.

La crainte de l’autre, de celui qui n’est pas comme « nous » interroge, étonne et dans bien des cas: effraie.

Nous aurions pu penser qu’à la vue de notre histoire, riches de ses enseignements, nous ferions fi de cette méfiance, mais aujourd’hui comme un mauvais rêve, tout nous rappelle des temps que nous pensions pouvoir oublier.

Comme un mauvais refrain, à nouveau la différence est montrée du doigt et comme un douloureux dommage collatéral l’amalgame s’emmêle.

On vilipende à tout va la différence: de peau, de religion, d’origine, on vilipende si fort et si quotidiennement que pour beaucoup aujourd’hui cela est devenu banal, plus sournois encore : évident.

Terrible évidence d’une ignorance collective qui mène une bataille dont je préfère taire le nom, tant elle est au delà de l’acceptable, loin de la définition de la citoyenneté.

Une ignorance nourrie par l’amnésie et la bêtise.

Est-il besoin de rappeler ces trois mots qui soulignent les valeurs du pays où nous sommes «  liberté, égalité, fraternité » ou ces derniers sont-ils déjà au rebut et devrais-je en parler au passé ?

Ces mots inscrits si fièrement dans la pierre, comme pour mieux résister au temps et aux intempéries ne seraient-ils plus que le vestige d’un autre monde.

Mais que nous arrive-t-il, pour omettre cette fierté si française d’être terre d’accueil.

Nous, qui par le sang qui coule dans nos veines, savons ce que fut cette venue sur ce sol dont on disait qu’il était comme le notre.

Nous, qui avons surpris souvent nos mères en larmes, d’avoir été contraintes de ranger leurs vies et leurs souvenirs dans deux valises, sans que cette image ne soit malheureusement une métaphore. Nous qui avons entendu sur notre passage mainte et mainte fois ces surnoms, ces d’insultes inracontables. Nous, qui avons été mis de coté sous les préaux des écoles, au dernier rang de la classe pour cause de différence, nous pensions si fort qu’une fois adulte, tout cela ne serait plus qu’un mauvais souvenir.

Il était impossible à nos yeux et en nos coeurs que les autres ne voient pas autre chose en nous, un jour, que des étrangers. Il était impossible que ce monde ne soit pas un peu plus beau à la vue de ce que nous enseignaient nos mères chaque jour: être respectueux, être meilleur que meilleur, savoir se taire aux noms d’oiseaux, faire preuve d’abnégation, vouloir à tout prix, quelqu’en soit le prix, être compris mais surtout être accepté.

Pour cela, nous disait-elle, vous devez faire des efforts, parfois même, il vous faudra être couleurs de murailles, vous fondre dans la masse et ne dire mot. À cet instant il faut rappeler que quelques cas ne font pas la généralité.

En revanche, force est de constater qu’à ce jour la différence met à mal les règles de la bienséance, que notre savoir vivre s’est fait la malle, si vous me permettez l’expression.

Notre société crache et insulte à la une, aux heures de grandes audiences, sans honte aucune.

La plus grande des sagesses ne suffirait-elle plus.

Et finalement celle qui m’a donné la vie était, à la fin de la sienne, d’une grande lucidité

« Quel que soit le pays où tu seras installée disait-elle, aussi respectueuse que tu seras, n’oublie jamais qu’il y aura toujours, un jour ou l’autre, au coin d’un chemin, quelqu’un pour te rappeler que tu es étrangère. »